Harmenia - Personnages

« Papa ?

— Charlie ! Bon sang, où étais-tu ? Ta mère était folle d'inquiétude, j'ai même cru qu'elle allait nous faire une syncope ! Donne-moi la main jeune fille, et je te prie de ne plus t'éloigner d'un seul centimètre de nous ! »

L'enfant s'excusa platement et noua ses doigts à ceux de son aîné, la tête baissée. Elle ne faisait que visiter, quel mal y avait-il à cela ?

« Charlie Swann Gabrielle Hettinger ! Dieu merci, tu es saine et sauve ! »

Ne prenant pas en compte le regard intrigué des passant, la femme se jeta dans les bras de sa fille et la serra fortement contre sa poitrine en lui caressant les cheveux, soulagée. Elle prit ensuite son visage entre ses mains pour le couvrir de baisers, déclenchant ainsi l'hilarité chez l'enfant.

« Maman, je t'en prie, arrête ! Ça chatouille ! »

L'accusée continua de l'embrasser en rigolant, avant de se redresser et d'essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues, un regard énamouré posé sur sa fille. Elle avait eu si peur, elle était à deux doigts de demander à tous les marins du port de ratisser les fonds marins pour chercher son corps.

« Que cette torture te serve de leçon, petite fugitive. »

Elle ébouriffa ses cheveux pour accompagner ses paroles, tandis que son mari venait la soutenir en passant son bras autour de sa taille.

« Oh Sara... cette gamine finira par avoir ta peau !

— Je me demande bien de qui elle peut tenir son horrible caractère ! » répliqua-t-elle en lui lançant un regard lourd de sens.

Elle, un horrible caractère ? Elle ne voyait pas de quoi elle voulait parler ! Et pour lui signifier, l'enfant tira puérilement la langue à sa mère, en croisant les bras.
Belle erreur ! Cette dernière prit au sérieux son offense et se mit à la poursuivre en riant, au milieu des voyageurs, qui penaient pour certains à traîner leur valise.

× × ×

« Wouah, c'est beau ! s'enthousiasma la fillette. Je regrette simplement que Billie ne soit pas là avec nous... »

Regardant jusque-là avec émerveillement l'étendue d'eau qui s'offrait à elle, son regard s'assombrit, devenant plus triste. Sa mère vint alors se placer près d'elle, s'accroupissant à sa hauteur.

« Oh... ma chérie, voyons, nous en avons déjà discuter, ta grande sœur est à fond dans ses révisions pour réussir son concours. À la fin de ses examens on partira de nouveau en vacances, mais avec elle cette fois-ci !

— Ta mère a raison, elle a travaillé très dur pour devenir médecin, ce serait bête que tous ses efforts tombent à l'eau alors qu'elle est si près du but.

— Hm... dans ce cas moi aussi je veux devenir docteur ! Comme ça moi aussi j'aurai le droit à mes vacances bien méritées... sur l'île des pirates des Caraïbes ! »

Elle était redevenue fidèle à elle-même, un vrai petit rayon de soleil qui a chassé le nuage qui était venu l'assombrir. Ses singeries firent rire ses parents, qui ne la reprirent pas sur la formulation de ses propos, préférant la regarder briller de bonheur.

« Allez viens mon petit monstre, lui dit son père. J'ai entendu dire qu'il y avait sur ce navire une antre secrète de pirates, regorgeant de glaces ! »

Des glaces ? Elle n'allait pas se faire prier ! Sautant sur l'occasion, l'enfant poussa des petits cris de joie et attrapa la main de son père pour l'entraîner vers le lieu convoité.

× × ×

" Cette nuit, le Mary-Christie a sombré dans les eaux de la Mer du Nord, au large des côtes de la Norvège. Les raisons de ce naufrage sont encore inconnues mais une équipe de plongeurs est sur place afin de mener l'enquête et retrouver de potentiels survivants. Nous n'en savons pas plus pour le moment mais nous vous promettons de vous tenir informés, restez à l'antenne. "

× × ×

« Moi c'est Hannah. Ta chambre se situe en haut, troisième porte à gauche. Qu'on mette les choses au clair : j'suis pas ici pour t'écouter geindre, donc 'va falloir vite fait que tu t'mettes dans le crâne que pleurer la mort de tes parents ne les fera pas revenir, que ta sœur va finir par faire sa vie et t'oublier, et que tu deviendras jamais médecin. La vie, c'est une vacherie, retiens bien ça gamine. »

La femme commençait à s'éloigner quand elle s'arrêta net, tournant à demi la tête vers elle.

« J'ai oublié de te dire : il y a deux autres gosses là-haut. Ce sont aussi des enfants que j'garde. »

Et c'est tout. Elle cracha une bouffée de nicotine et s'en alla, la laissant toute seule au milieu du couloir de cette maison insalubre. Là, ici, apeurée et effondrée.
Le barage retenant ses larmes menaçait de céder. Elle les aurait bien laisser couler si l'escalier n'avait pas craqué sous le poids de quelqu'un. La curiosité l'ayant emporté, elle avait levé la tête et ses yeux s'étaient posés sur un enfant, qui était à l'origine du bruit. C'était un garçon, plus vieux qu'elle. Il se tenait debout, au milieu des marches, les yeux rivés sur elle, la dévisageant sans aucune gêne.
Loin d'être intimidée, la petite en fit de même, passant silencieusement en revue ses boucles brunes, ses yeux verts et sa peau basané. Puis, sans prévenir, l'adolescent dévala les marches restantes pour venir à sa rencontre, un grand sourire aux lèvres.

« Salut ! Moi c'est Willhelm ! Et elle c'est... roh, c'est pas vrai. Juliet, descends ! Elle ne mord pas ! »

À cet appel, une jeune fille, qui n'était pas plus vieille qu'elle, pointa timidement le bout de son nez. Un carré châtain encadrait son visage pâle et ses yeux mordorés regardaient le sol. Elle descendit doucement et sans un bruit l'escalier puis vint se placer aux côtés de leur aîné, le regard toujours baissé. Un coup de coude administré par le garçon la ramena à la réalité et elle leva enfin les yeux vers la toute jeune orpheline.

« H-hey, moi c'est Juliet, e-enchantée. »

Sa voix se brisa immédiatement, alors qu'elle tentait de lui sourire, et par honte ou par timidité, elle observa de nouveau le parquet.

« Et toi, comment tu t'appelles ? lui demanda l'autre, pour rattraper la situation.

— Charlie, mais appelez-moi Swann. »